dimanche 20 novembre 2016

Paru : Information et commentaire n°176, Sahara Occidental



vient de paraitre...
Information et commentaire, le développement en question,  n° 176
Sahara Occidental
Jeudi 10 novembre 2016
Éditorial. Migrations - Patrice Allard                 p1
Dossier : Sahara occidental
* L’histoire tourmentée du Sahara occidental - Patrice Allard            p5
Annexe statistique                  p24
* Conditions de vie dans le territoire non autonome du Sahara occidental occupé par le Maroc - Michèle Decaster                         p27
* Les Sahraouis du Sahara occidental et du Sud du Maroc. Identité nationale et mobilisation - Isaias Barre Ñada B.                         p38
* Témoignages - Amis du Peuple du Sahara occidental                    p49
* Sahara occidental : la vie dans les camps de réfugiés - Philippe Leclercq                        p58
* D’exil en exil : Limam Boicha -  Amis du Peuple du Sahara occidental                 p61
* Les efforts pour préserver la culture sahraouie : maintenir la langue, l’identité et la communauté malgré les politiques d’intégration et l’exil - Tara F. Deubel                        p65
* L’ONU face à la question du Sahara occidental - Patrice Allard                 p72

Ouvrages et publications reçus - Comptes rendus rapides                   p80
http://informations-et-commentaires.nursit.com

mercredi 16 novembre 2016

Agounia

Un grand jardin de parcelles en damier fait un pied de nez au désert. Depuis trois générations une famille le cultive dans la daïra d’Agounia, à l’intérieur du camp de réfugiés sahraouis d’El Aaiun.

Agounia sonne comme agonie. Enfants des nuages ne les poursuivant plus pour mener les troupeaux en transhumance, mais fuyant leurs brulures de phosphore. Peuple ne traversant plus la surface du désert, mais la creusant en tombes où s’enterrer vivants pour échapper aux bombes et aux tirs, se mettant à creuser pour fabriquer des briques de toub pour s’abriter, la grattant pour pouvoir se nourrir, et la creusant, encore et encore en tombes où enterrer ses enfants, ne pouvant échapper à la mortelle absence de solution négociée.

Agounia, agonie silencieuse. Pendant que d’autres creusent leur pays, volent les richesses naturelles, raclent les fonds marins, enfouissent les Droits Humains au fond des geôles, trois générations cultivent les seules parcelles qu’on veut bien leur laisser. Celles d’une situation mise en jachère par l’ONU, d’une injustice comme autant d’adventices invasives tolérée par des pays  coupables et complices, d’une assistance déculpabilisante, celle d’une négociation dont les semences seraient stériles.

Agounia, agonie qui n’en finit pas. Et toujours aucun germe d’espoir. Pourtant cette année riche en évènements exceptionnels aurait du faire craqueler cette terre d’exil.
Les inondations de novembre 2015 et d’août 2016 offrant une fois de plus le choix d’un provisoire Sahraoui de toub ou de tente à consolider, ou bien d’un avenir algérianisé de parpaings.
La mort du Président sahraoui le 31 mai 2016 et quarante jours plus tard l’élection d’un nouveau Président à la fois combattant de la première heure et diplomate chevronné permettra t’elle de sortir de l’impasse ? « Chaque jour je me dis qu’aujourd’hui n’est pas un bon jour pour combattre et qu’il fallait combattre hier. Chaque jour », me disait un ami Sahraoui….
Les provocations marocaines : chasser la Minurso pour son emploi de l’euphémisme « occupation » ; expulser à tour de bras journalistes, avocats et défenseurs des Droits Humains ;  transgresser le mur de leur honte dans la zone d’Alguergarat, en violer le cessez-le-feu. Ces provocations n’ont jamais été aussi nombreuses et n’ont toujours pas entamé l’indifférence ni dérangé les intérêts de quelques « États voyous ». Dans ce monde où la provocation et l’outrance mènent  au pouvoir, la place des Sahraouis restera t’elle l’exil et la prison ?

Agounia, agonie négociée. Malgré ces évènements inédits depuis un an, la terre n’a pas bougé, l’espoir ne germe pas. Cette part d’humanité légitime d’un pays viable, ces hommes en attente de justice ne sont ils destinés qu’à devenir part d’humus d’une terre d’exil désertique et définitive ?

Agounia, c’est pourtant sous une de tes tentes que sans me connaitre on m’offre les seules richesses, une couverture pliée dans un coin, pour réchauffer corps et âme, du thé et du lait pour que je cesse de m’altérer. Je n’ai vécu cela que sous les tentes de réfugiés. Le « si peu » est offert sans délai et sans hésitation. « Celui que tu accueilles aujourd’hui, peut être t’abritera t’il ce soir... »


L’agonie , cette bataille livrée par le froid du cœur, par qui est elle vraiment perdue ?


Jean-François Debargue
Agounia, 10 novembre 2016

Nota
campements de réfugiés sahraouis : proximité Tindouf, désert salin sud ouest algérien
daira : ville
toub : sable argileux
minurso : mission des Nations Unies pour le referendum au Sahara Occidental